L’Eglise, corps spirituel du Christ

L’Eglise chrétienne est parfois conçue comme une ou des institutions religieuses, créés dans les temps apostoliques ou dans les temps de renouveau spirituel comme la Réformation protestante. Pourtant, la conception biblique de l’Eglise est spirituelle, organique et mystérieuse : l’Eglise est le rassemblement des croyants de tous lieux et de tous temps en Jésus-Christ, qui par l’Esprit-Saint leur est donné comme chef.

1. Jésus-Christ bâtit son Eglise

1.1. « Je bâtirai mon Eglise »

Le mot « église » est la traduction assez littérale du mot grec ἐκκλησία (ékklèsia), qui désignait dans la Grèce antique une assemblée de citoyens, c’est-à-dire des hommes libres du peuple. Le mot est de même racine que le verbe καλέω (kaléô), qui signifie « appeler » : le préfixe ἐκ (ék), qui signifie ici « hors de », combiné à cette racine donne le verbe ἐκκαλέω (ékkaléô), qui connote l’idée d’une « convocation », celle du peuple citoyen qui se retirait pour délibérer. Ces assemblées, homologues des Þing (thing) germaniques de l’ancienne Europe du Nord, sont des exemples antiques d’un fonctionnement démocratique de la cité ou de la communauté.

Le Christ reprend le terme grec, consacré dans l’usage courant, pour parler de ce que nous appelons aujourd’hui « l’Eglise », et qui recouvre des sens divers, dès son emploi dans le Nouveau Testament. Un des textes les plus célèbres à ce sujet se trouve dans l’évangile selon Matthieu, et fait suite à la non moins fameuse confession de Pierre :

15 Et vous, leur dit-il, qui dites-vous que je suis? 16 Simon Pierre répondit: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. 17 Jésus, reprenant la parole, lui dit: Tu es heureux, Simon, fils de Jonas; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux. 18 Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. 19 Je te donnerai les clefs du royaume des cieux: ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. 

Evangile selon Matthieu, Chapitre 18, versets 15-19

Ce texte associe étroitement l’identité de Jésus comme « Christ » et « Fils de Dieu » à la personne de Pierre d’une part, et surtout d’autre part à « l’Eglise », que Jésus-Christ promet de bâtir (au futur) sur le fondement qu’est le roc de cette confession de Pierre. Ainsi, l’Eglise n’existe pas depuis toujours, mais elle est la construction de Jésus-Christ, sur le fondement de la foi qui le confesse comme le Fils de Dieu.

1.2. La promesse de l’Esprit-Saint

Si le Christ a promis qu’il bâtirait – au futur – son Eglise, c’est que la naissance de celle-ci est étroitement liée à son propre destin: il s’agit de son Eglise, les hommes qu’il rassemble du milieu du monde pour qu’ils soient des disciples. Or, pour que naisse l’Eglise, que le Nouveau Testament appelle « corps du Christ », il fallait que celui-ci passe par la mort expiatoire à laquelle il était prédestiné, et par la résurrection qui le manifeste comme Fils de Dieu par l’Esprit-Saint (Romains 1,4). Bien plus, il fallait que le Christ soit « élevé à la droite de Dieu », c’est-dire qu’il ait quitté la terre pour recevoir en son humanité le nom de Seigneur, qui enveloppe l’autorité sur toutes choses :

5 Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus Christ, 6 lequel, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, 7 mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes; et ayant paru comme un simple homme, 8 il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix. 9 C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, 10 afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, 11 et que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.

Epître de Paul aux Philippiens, Chapitre 2, versets 5 à 11

Car c’est de cette autorité que Jésus-Christ envoie d’abord ses apôtres avec la mission de faire des disciples parmi les nations du monde entier, dans le fameux texte de l’évangile selon Matthieu, en leur disant : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28,18-20). Or, c’est par la puissance de l’Esprit-Saint qui l’a ressuscité, que doit se réaliser cette mission apostolique, et l’Esprit est promis aux apôtres à nouveau lorsque le Christ ressuscité se montre à eux :

4 Comme il se trouvait avec eux [ses apôtres], il leur recommanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le Père avait promis, ce que je vous ai annoncé, leur dit-il; 5 car Jean a baptisé d’eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint Esprit. 6 Alors les apôtres réunis lui demandèrent: Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël ? 7 Il leur répondit: Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. 8 Mais vous recevrez une puissance, le Saint Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre.

Actes, Chapitre 1, versets 6-8

1.3. La Pentecôte et la naissance de l’Eglise

Si nous insistons ici sur la mission confiée aux apôtres, c’est que le don du Saint-Esprit, qui les rendrait capables de la réaliser, marque l’acte de naissance de l’Eglise à proprement parler, lors de la fête de la Pentecôte qui suivit la résurrection du Christ. Le livre des Actes interprète en effet la promesse du Christ ressuscité comme accomplie par l’événement étrange qui se tient alors que cent-vingt disciples sont rassemblés pour prier, sous la conduite des apôtres, dans une chambre haute à Jérusalem :

1 Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. 2 Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. 3 Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. 4 Et ils furent tous remplis du Saint Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.

Actes, Chapitre 2, versets 1 à 4

En effet, cette effusion du Saint-Esprit est le seul événement du Livre des Actes correspondant à la promesse du Christ d’être « baptisés du Saint-Esprit dans peu de jours » (Actes 1,5). Il y a ici une surprise : non seulement le Saint-Esprit est répandu sur les apôtres du Christ, auxquels il fut d’abord promis, mais aussi sur tous les disciples rassemblés : il est donc la marque de tous les chrétiens, qui en le recevant sont incorporés à l’Eglise. Car il y a ici une transition essentielle dans la vie des apôtres et des disciples, en ce qu’ayant suivi Jésus alors que l’Eglise n’était pas encore, et sans avoir tous été convertis (en Luc 22,32, Jésus sous-entend que Pierre n’est pas converti, ce qui est manifeste lorsque celui-ci le renie), à la Pentecôte ils reçoivent la puissance qui leur permettra d’être les témoins du Christ et réaliser ainsi la mission apostolique.

Or, le même récit témoigne peu après de l’existence effective de l’Eglise, alors que de nombreux Juifs se tournent vers le Christ suite à la proclamation publique de Pierre au Chapitre 2 :

44 Tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en commun. 45 Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, et ils en partageaient le produit entre tous, selon les besoins de chacun. 46 Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de coeur, 47 louant Dieu, et trouvant grâce auprès de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Église ceux qui étaient sauvés.

Actes, Chapitre 2, versets 44-47

Nous en induisons que l’Eglise naît à la Pentecôte : le Christ ayant terminé le cycle de sa venue sur la terre par sa résurrection et son ascension, et ayant reçu dans son humanité le titre divin de Seigneur, il assemble à cette occasion, sous son autorité et par l’Esprit, les croyants de tous lieux et de tous temps en un seul corps dont il est la tête humaine.

2. L’Eglise est un corps spirituel

2.1. Les croyants de tous lieux rassemblés sous le chef du Christ

Rappelons-nous que lorsque le Christ se comparait au « bon berger, qui donne sa vie pour ses brebis » (Jean 10,11), c’est-à-dire « les hommes que le Père lui a donnés du milieu du monde » (Jean 10,27-29, Jean 17,6), il parlait mystérieusement d’un enclos où se trouvaient les brebis de son peuple, et aussi d’autres enclos, à partir desquels il devait « rassembler d’autres brebis » en un seul « troupeau » :

14 Je suis le bon berger. Je connais mes brebis, et elles me connaissent, 15 comme le Père me connaît et comme je connais le Père; et je donne ma vie pour mes brebis. 16 J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie; celles-là, il faut que je les amène; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger.

Evangile selon Jean, Chapitre 10, versets 14-16

Or, l’annonce du salut aux nations était un thème connu du peuple Juif, existant déjà dans l’Ancien Testament et d’abord dans la promesse faite à Abraham de « bénir en lui toutes les familles de la terre » (Genèse 12,2-3 par exemple), et dans certaines prophéties ou certains appels universels, comme on trouve par exemple au livre d’Esaïe :

1 Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, Même celui qui n’a pas d’argent! Venez, achetez et mangez, Venez, achetez du vin et du lait, sans argent, sans rien payer ! 2 Pourquoi pesez-vous de l’argent pour ce qui ne nourrit pas ? Pourquoi travaillez-vous pour ce qui ne rassasie pas ? Ecoutez-moi donc, et vous mangerez ce qui est bon, et votre âme se délectera de mets succulents. 3 Prêtez l’oreille, et venez à moi, écoutez, et votre âme vivra: Je traiterai avec vous une alliance éternelle, pour rendre durables mes faveurs envers David. 4 Voici, je l’ai établi comme témoin auprès des peuples, Comme chef et dominateur des peuples. 5 Voici, tu appelleras des nations que tu ne connais pas, et les nations qui ne te connaissent pas accourront vers toi, A cause de l’Eternel, ton Dieu, du Saint d’Israël, qui te glorifie.

Esaïe, Chapitre 55, versets 1-5

Cette vocation de l’Israël ancien, d’être « une lumière pour toutes les nations », était d’ailleurs sa raison d’être, et l’apôtre Jean interprète dans l’optique de cette bénédiction universelle les paroles du grand-prêtre Caïphe, ayant précipité la condamnation de Jésus comme une prophétie involontaire sur la portée universelle de sa mort expiatoire, :

49 L’un d’eux [le sanhédrin], Caïphe, qui était souverain sacrificateur cette année-là, leur dit: Vous n’y entendez rien; 50 vous ne réfléchissez pas qu’il est dans votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas. 51 Or, il ne dit pas cela de lui-même; mais étant souverain sacrificateur cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation. 52 Et ce n’était pas pour la nation seulement; c’était aussi afin de réunir en un seul corps les enfants de Dieu dispersés

Evangile selon Jean, Chapitre 11, versets 49 à 52

Ainsi, au-delà de la nation juive, à laquelle le Christ avait d’abord été envoyé pour son salut, l’évangéliste discerne que l’oeuvre de celui-ci est au bénéfice de « tous les enfants de Dieu dispersés » – expression qui dénote chez l’apôtre Jean les croyants authentiques – au point même de les rassembler en un seul corps. Les paroles allégoriques de Jésus-Christ à propos de ses brebis sont donc explicitement interprétées ici comme s’appliquant aux croyants dispersés dans le monde, et devant être réunis par lui en son corps, qui est l’Eglise.

2.2. La renaissance spirituelle et l’oeuvre de l’Esprit

Si donc, à l’époque où le Christ annonce au futur qu’il bâtirait son Eglise, il est question pour lui de rassembler les brebis d’Israël et d’ailleurs, c’est donc qu’il existait avant même la Pentecôte des disciples du Christ en-dehors même de la nation juive. A la rigueur, nous pourrions comprendre dans les paroles de Jésus des hommes vivant dans des territoires voisins de la Palestine de son temps, qui auraient entendu parler de lui ou même l’auraient vu ou rencontré, et seraient devenus ses disciples. Mais il nous semble que l’apôtre, en parlant des « enfants de Dieu dispersés » (Jean 11,52, op. cit.), adopte une perspective beaucoup plus large. Il considère en effet que l’oeuvre du Christ a pour vocation à rassembler ceux qui sont déjà « enfants de Dieu », et sont en son temps dispersés. Dans le contexte juif de l’époque, la « dispersion » fait en effet sans doute une référence implicite à l’existence de Juifs parmi toutes les nations. Or, l’universalité des propos du Christ, et de l’évangile selon Jean, laissent penser à une extension de l’idée à tous les croyants du monde entier.

Il n’est alors pas question de chrétiens, au sens où ils n’auraient pas connu le Christ par son nom ni n’auraient entendu parler de son enseignement. Car, même si l’évangéliste annonce d’emblée que Dieu a donné le pouvoir, à ceux qui croient au nom de Jésus-Christ, de « devenir enfants de Dieu » (Jean 1,12-13), l’expression renvoie à une relation à Dieu lui-même, considérée comme possible bien avant la venue de Jésus-Christ, comme en témoignent les exemples d’Abraham et de David, auxquels fait allusion l’apôtre Paul dans l’épître aux Romains, utilisant de manière unique l’expression pour désigner la postérité spirituelle d’Abraham :

6 Ce n’est point à dire que la parole de Dieu soit restée sans effet. Car tous ceux qui descendent d’Israël ne sont pas Israël, 7 et, pour être la postérité d’Abraham, ils ne sont pas tous ses enfants; mais il est dit: En Isaac sera nommée pour toi une postérité, 8 c’est-à-dire que ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais que ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité

Epître aux Romains, Chapitre 9, versets 6-8

Et la réalité de la « nouvelle naissance », par laquelle des hommes deviennent « enfants de Dieu », est attestée en des lieux ou des temps où le Christ n’est pas connu ou pas encore, à travers les paroles mêmes de Jésus, qui s’adresse à Nicodème, venu l ‘interroger sur ces choses. Devant son ignorance, il lui reproche en effet : « Tu es le docteur d’Israël, et tu ne sais pas ces choses ! » (Jean 3,10) : la réalité de la nouvelle naissance est donc antérieure à la venue du Christ.

3.L’Eglise et le mystère du Christ

3.1. Un seul corps habité par un seul Esprit

Selon notre compréhension, l’Eglise de Jésus-Christ n’est donc pas une création « ex nihilo », au sens où avant la venue en chair du Fils de Dieu il n’aurait pas existé de croyants, « d’enfants de Dieu » ou de « corps spirituel ». Mais les hommes qui, mystérieusement, ont part à l’oeuvre de sanctification de l’Esprit, par la renaissance spirituelle rendue possible par la foi dans la révélation de Dieu (voir Justice et justification, la religion naturelle), ont de tous temps été dispersés parmi toutes les nations, ayant connu Dieu dans des circonstances fort diverses, et n’ayant pas été rassemblés sous une même bannière visible, sous un même chef humain. Avec Jésus-Christ, ce corps spirituel disparate trouve une « tête », et les croyants du monde entier sont ainsi rassemblés sous une même bannière : le nom de Jésus-Christ, par lequel leurs péchés leur ont été pardonnés, même à ceux qui sont venus avant lui ou qui n’ont pas entendu parler de lui, et qui a été jugé digne d’être le premier d’entre eux, c’est-à-dire leur « chef ». En ce sens, depuis la Pentecôte, les croyants d’Israël et des Nations, d’autrefois et de maintenant, qui formaient déjà un seul corps, sont intégrés au Christ en tant qu’homme pour être son corps spirituel, c’est-à-dire une assemblée d’hommes et de femmes habitée par son Esprit, lequel « convainc le monde de péché, de justice et de jugement » (Jean 16,8). L’Eglise naît donc lorsque Jésus-Christ homme est assemblé par l’Esprit-Saint au corps des croyants de tous lieux et de tous temps.

3.2.Le mystère de l’Eglise

En effet, l’apôtre Paul parle de l’Eglise en relation au « mystère du Christ », c’est-à-dire d’une réalité auparavant cachée mais révélée avec la venue de Jésus. Il ne l’aborde donc pas comme d’une nouveauté, mais comme une réalité qui demandait à être mise en lumière, lorsqu’il affirme :

3 C’est par révélation que j’ai eu connaissance du mystère sur lequel je viens d’écrire en peu de mots. 4 En les lisant, vous pouvez vous représenter l’intelligence que j’ai du mystère du Christ. 5 Il n’a pas été manifesté aux fils des hommes dans les autres générations, comme il a été révélé maintenant par l’Esprit aux saints apôtres et prophètes du Christ. 6 Ce mystère, c’est que les païens sont cohéritiers, forment un même corps, et participent à la même promesse en Jésus-Christ par l’Evangile, 7 dont j’ai été fait ministre selon le don de la grâce de Dieu, qui m’a été accordée par l’efficacité de sa puissance.

Epître aux Ephésiens, Chapitre 3, versets 3-7

En affirmant que le « mystère du Christ » n’a pas été « manifesté aux fils des hommes dans les autres générations », Paul sous-entend à notre sens qu’il concernait quelque chose qui existait auparavant et lui a été révélé, comme aux « apôtres et prophètes du Christ », et non quelque chose qui aurait été créé de son vivant. Il n’aurait sinon pas été question de le cacher aux générations précédentes pour le révéler ensuite. Or, le contenu de cette révélation ineffable, c’est que Juifs et païens (c’est-à-dire « non-Juifs » !) forment le même corps et participent à la même promesse, mais en Jésus-Christ et par l’Evangile – et non en Moïse et selon la Loi.

3.3. Réconciliés en un seul corps par l’Eglise

En effet, « l’inimitié » existant entre Juifs et païens procède d’une séparation nationale d’origine religieuse entre le peuple de l’Israël ancien et les autres nations. Mais en ce qui concerne l’Eglise, pour l’apôtre une telle séparation est abolie, et n’existe même pas, puisque la promesse faite à Abraham 430 ans avant le don de la Loi – constituant l’Israël ancien comme nation théocratique – ne peut être annulée par la Loi. Ainsi, en Jésus-Christ l’Eglise rassemble et réconcilie juifs et païens en un seul corps et pour toujours, ainsi que Paul l’exprime lorsqu’il enseigne aux chrétiens d’Ephèse quel est leur statut spirituel :

11 C’est pourquoi, vous autrefois païens dans la chair, appelés incirconcis par ceux qu’on appelle circoncis et qui le sont en la chair par la main de l’homme, 12 souvenez-vous que vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde. 13 Mais maintenant, en Jésus-Christ, vous qui étiez jadis éloignés, vous avez été rapprochés par le sang de Christ. 14 Car il est notre paix, lui qui des deux n’en a fait qu’un, et qui a renversé le mur de séparation, l’inimitié, 15 ayant anéanti par sa chair la loi des ordonnances dans ses prescriptions, afin de créer en lui-même avec les deux un seul homme nouveau, en établissant la paix, 16 et de les réconcilier, l’un et l’autre en un seul corps, avec Dieu par la croix, en détruisant par elle l’inimitié.

Epître aux Ephésiens, Chapitre 2, versets 11-16

Par conséquent, si du point de vue de l’élection il y a une distinction entre Israël et les nations, du point de vue de la foi il n’y en a pas, car Juifs et païens sont réconciliés pour toujours en une seule Eglise, le corps de Jésus-Christ qu’il s’est acquis par son sang.

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