Introduction
L’église catholique romaine a consacré Marie comme « mère de Dieu », ce qui peut générer une certaine gêne dans une perspective protestante, souvent réticente à attribuer à Marie ce qui ne convient pas à une « simple femme ». Avons-nous bien compris la signification de l’expression ?

1.La doctrine de l’engendrement éternel du Fils de Dieu
On a considéré assez tôt dans la théologie chrétienne, ce qui a été formalisé au premier concile de Nicée en 325, qu’en tant que Fils de Dieu, Jésus-Christ était « vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non fait ». Autrement dit, la doctrine de l’engendrement éternel du Fils de Dieu complétait celle de son incarnation, de sorte que Jésus-Christ soit considéré lui-même comme Dieu (voir L’incarnation du Fils de Dieu).
2.L’invention du « theotokos »
Certains en ont déduit que si Jésus-Christ possède véritablement la divinité, Marie en tant que mère de l’homme Jésus est véritablement aussi la mère de Dieu. Ce titre de « theotokos » (mère de Dieu), inventé la même année que le concile en 325, a donné lieu au 5ième siècle à une vive controverse, provoquée par Nestorius, évêque de Constantinople : comment Dieu pouvait-il avoir été formé dans le sein d’une femme ?
3.La consécration du titre sous l’influence de Cyrille
Mais la doctrine de l’union hypostatique (union des deux natures divine et humaine en la personne du Fils de Dieu), formulée au concile d’Ephèse en 431, qui dépose Nestorius, précise le dogme encore mal défini de la double nature de Jésus-Christ. En effet, cette doctrine est agrémentée chez Cyrille d’Alexandrie, adversaire de Nestorius et acteur majeur du concile, de celle de la communication des idiomes, selon laquelle les propriétés appartenant à l’une des deux natures de Jésus-Christ, s’applique à l’autre. Ce concile fixe et consacre donc de manière définitive, à partir de ces idées, le titre de « theotokos » attribué à Marie dans la tradition catholique romaine.
4.Que faut-il en penser ?
Si la doctrine de Cyrille ne manque pas d’une certaine cohérence logique, il faut toutefois discerner, dans la communication des idiomes, ce qui relève de la double nature (divine et humaine) du Christ, et ce qui relève de sa personne. Il faut prendre garde que si Marie engendre le Christ, c’est l’homme Jésus qu’elle engendre, autrement dit la personne du Fils de Dieu dans son incarnation. Autrement dit, Marie n’a pas engendré le Fils de Dieu dans sa divinité, c’est-à-dire la « substance » divine qui lui appartient. Qu’une seule et même personne, le Fils de Dieu, possède dans l’éternité de la vie divine la nature divine, et dans la temporalité de son incarnation, la nature humaine, ne signifie pas que l’homme Jésus-Christ a apporté sa divinité à travers son humanité, ce qui confinerait à la confusion des natures divine et humaine, principe de l’union hypostatique formulée dans le même concile. Il nous semble donc préférable de rejeter le « theotokos » dans une perspective protestante.
Conclusion
Le dogme du « theotokos », qui a proclamé Marie « mère de Dieu », procède d’une volonté de prendre au sérieux l’union hypostatique, c’est-à-dire la réunion en une seule personne, le Fils de Dieu, de la nature divine et de la nature humaine, puisque c’est bien de cette personne que Marie fut la mère. Toutefois, la communication des idiomes, dogme sur lequel repose le « theotokos », introduit une confusion regrettable qui suggère de la rejeter ou de la repenser.
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