Qu’est-ce que la foi ? Croire en la révélation de Dieu

La foi chrétienne est tout simplement le fait de croire en Jésus-Christ. Il faut bien sûr préciser ce que nous entendons par croire, ce que nous entendons par Jésus-Christ, et comment il est question de croire. Mais il n’est pas nécessaire, pour comprendre ce qu’est la foi et pour croire de facto, d’aller chercher des explications mystérieuses, d’inventer pour les mots un sens nouveau, ou d’échanger notre rationalité pour une fonctionnalité étrange.

1.Croire, c’est recevoir la révélation de Dieu

La foi est au coeur de l’Evangile, et les apôtres qui le prêchaient s’adressaient à leurs contemporains, qui pouvaient les comprendre dans le langage qu’ils parlaient couramment : au geôlier qui pensait que Paul et Silas, emprisonnés à Philippes, s’étaient échappés, et qui se jetant à leurs pieds, leur demandait ce qu’il devait faire pour être « sauvé », ils lui répondaient :

Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille.

Livre des Actes, Chapitre 16, verset 31

Mais que faut-il croire, et comment ? Si je ne déforme pas sa pensée, le théologien suisse Karl Barth définissait la foi comme une « réceptivité à l’auto-révélation de Dieu » (K.Barth, Dogmatique). Et en effet, croire en Jésus-Christ, c’est croire pour son salut en qui il est et en ce qu’il a fait, c’est-à-dire en l’Evangile qui a été annoncé par les apôtres, et consigné pour nous dans les Ecritures :

1 Je vous rappelle, frères, l’Evangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, dans lequel vous avez persévéré,
2 et par lequel vous êtes sauvés, si vous le retenez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, vous auriez cru en vain.
3 Je vous ai enseigné avant tout, comme je l’avais aussi reçu, que Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures,
4 qu’il a été enseveli, et qu’il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures ;
5 et qu’il est apparu à Céphas, puis aux douze.

1re épître aux Corinthiens, Chapitre 15, versets 1-5

Ici nous retrouvons le motif de la foi, identifié comme « réception » de l’Evangile, qui est lui-même révélation de la justice de Dieu, sur le principe même de la foi :

16 Je n’ai point honte de l’Evangile : c’est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec,
17 parce qu’en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu’il est écrit : Le juste vivra par la foi.

Epître aux Romains, Chapitre 1, versets 16-17

Ainsi, croire, ce serait recevoir la révélation de Dieu, et la foi chrétienne, ce serait essentiellement et premièrement recevoir la révélation de Dieu qu’est l’Evangile qui nous parle de Jésus-Christ, afin d’interpréter sa propre existence conformément à cette révélation, et revenir à la connaissance de Dieu, qui est la vie éternelle (Jean 17,3) : en croyant, l’être humain accède à la rédemption, et il entre dans la connaissance de Dieu.

2.Le cas d’Adam

2.1.Adam au temps de l’innocence

Adam, le premier homme selon l’Ecriture, avait-il la foi en Eden, ou a-t-il eu l’occasion de manifester la foi ? Selon notre analyse, pour y répondre il faudrait considérer comment Adam était lui-même confronté à la révélation de Dieu. Car, comme à tout homme Dieu se faisait d’abord connaître à lui à travers le spectacle de la création, qui révèle « la puissance éternelle et la divinité » de Dieu, comme l’apôtre Paul nous l’enseigne dans le livre des Romains :

18 La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive,
19 car ce qu’on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, Dieu le leur ayant fait connaître.
20 En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables,
21 puisque ayant connu Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces ; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur coeur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres.

Epître aux Romains, Chapitre 1, versets 18-21

Mais le livre de la Genèse nous présente de plus Adam, une fois placé dans le jardin d’Eden, comme mis d’emblée devant le commandement explicite de Dieu :

15 L’Éternel Dieu prit l’homme, et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder.
16 L’Éternel Dieu donna cet ordre à l’homme: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin;
17 mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.

Livre de la Genèse, Chapitre 2, versets 15-17

Ainsi Adam était-il confronté dès le commencement de sa vocation à une double révélation de Dieu : une révélation « intérieure » qui atteint tous les hommes et qu’il possédait lui-même dès le premier instant de sa vie consciente, et une révélation « extérieure » de la volonté de Dieu, sous la forme du premier commandement, qui faisait ici écho à ce qu’il connaissait dans son coeur (siège de la pensée, et non des sentiments, dans la Bible), et qui intervient (un peu) plus tard dans son existence.

Dans cette situation, Adam était invité à se positionner vis-à-vis de la révélation de Dieu : la recevoir, c’est-à-dire faire preuve de foi pour garder la connaissance de Dieu et donc le commandement, ou la rejeter, avec la conséquence funeste annoncée au verset 17. A travers les paroles prononcées à l’intention d’Eve par le serpent, la suite du récit montre que ce sont les paroles du diable qu’il a choisi de croire, plutôt que celles de Dieu : Adam n’a donc pas, confronté à la révélation de Dieu en Eden, manifesté la foi qu’il devait.

En général, depuis le commencement du monde l’homme n’est jamais sans la révélation universelle qui l’atteint à travers sa perception de la création et sa conscience, et dès le jardin d’Eden il était confronté à une révélation explicite sous la forme d’un commandement. Alors, il fallait placer sa foi dans la Parole de Dieu pour recevoir le commandement qui menait à la vie éternelle, aujourd’hui encore il faut placer sa foi en Jésus-Christ, en recevant l’Evangile qui conduit à la vie éternelle.

2.2.Adam au temps de l’aliénation

Si Adam est donc évoqué comme père de la race humaine, son expérience sert également de paradigme pour l’expérience et la condition humaines en général. Sa relation à la révélation universelle à travers la conscience, reprise et appliquée à tous les hommes par l’apôtre dans l’épître aux Romains en quelque sorte, sert de modèle pour interpréter la situation de chaque homme vis-à-vis de la connaissance de Dieu : il la possède d’une certaine manière, et doit y répondre par la foi.

Mais Adam est aussi l’archétype de la relation de l’homme au péché : l’apôtre Paul le résume dans la même épître de la manière suivante :

12 [..] Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et […] ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché,
13 car jusqu’à la loi le péché était dans le monde. Or, le péché n’est pas imputé, quand il n’y a point de loi.
14 Cependant la mort a régné depuis Adam jusqu’à Moïse, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam, lequel est la figure de celui qui devait venir.

Epître aux Romains, Chapitre 5, versets 12-14

Adam (et Eve, tirée de lui) étant le seul homme qui ait expérimenté la vie hors du péché, il reste un homme après le jugement prononcé sur lui à l’occasion du péché originel : son rapport à la révélation et à la foi reste essentiellement le même, et l’exemple de celui qui est le lot commun de ses descendants. Ainsi, il est permis de lire dans le jugement prononcé par Dieu à son encontre au Chapitre 3 de la Genèse, une révélation supplémentaire, à l’issue duquel nous discernons peut-être un acte de foi du premier homme :

17 [L’Eternel Dieu] dit à l’homme : Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné cet ordre : Tu n’en mangeras point ! Le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie,
18 il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l’herbe des champs.
19 C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.
20 Adam donna à sa femme le nom d’Eve : car elle a été la mère de tous les vivants.
21 L’Eternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit.

Livre de la Genèse, Chapitre 3, versets 17-21

Ce jugement fait en effet écho au commandement prononcé au Chapitre 2, et révèle à Adam et Eve la colère de Dieu envers leur transgression, ainsi que la condamnation dont elle est l’objet et l’avenir qui sera désormais leur condition sur la terre. La mort est présente, qui scelle la menace contenue dans le commandement, et pourtant Adam donne à sa femme le nom de « Vivante » – signification de l’hébreu חַוָּ֑ה, traduit par « Eve », et dérivé de la racine חיה, « vie » – contre tout ce qu’énonce ce jugement. Il faut peut-être lire ici, dans ce nom qui connote dans ce contexte l’espérance, une expression de foi en Dieu lui-même, source de la vie, et qui a promis que d’Eve naîtrait celui (sa « postérité ») qui vaincrait l’ennemi de l’humanité manifesté à travers la tromperie du serpent :

14 L’Eternel Dieu dit au serpent : Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.
15 Je mettrai l’inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.

Livre de la Genèse, Chapitre 3, versets 14-15

3.Le cas d’Abraham

Nous avons retrouvé dans l’Ecriture un appui solide à une conception de la foi comme « réceptivité à la révélation de Dieu ». Cependant, c’est aussi et peut-être d’abord en Dieu et en Jésus-Christ, dans leur être ou leur personne, que les hommes et les femmes de la Bible croient ou ne croient pas : pourquoi insister sur la révélation plutôt que sur Dieu comme objet de foi ? L’idée que nous proposons ici est que Dieu ne nous est donné à connaître qu’à travers ce qu’il nous révèle de lui-même : nous ne pouvons donc croire en lui qu’à travers son auto-révélation, si bien que croire en Dieu et croire en sa révélation sont essentiellement la même chose. Ceci apparaît clairement avec celui qui est le « prototype » du croyant, Abraham, dont le Livre de Genèse nous rapporte l’épisode qui sert de modèle à la théologie paulinienne de la foi chrétienne :

1 Après ces événements, la parole de l’Éternel fut adressée à Abram dans une vision, et il dit: Abram, ne crains point; je suis ton bouclier, et ta récompense sera très grande.
2 Abram répondit: Seigneur Éternel, que me donneras-tu? Je m’en vais sans enfants; et l’héritier de ma maison, c’est Éliézer de Damas.
3 Et Abram dit: Voici, tu ne m’as pas donné de postérité, et celui qui est né dans ma maison sera mon héritier.
4 Alors la parole de l’Éternel lui fut adressée ainsi: Ce n’est pas lui qui sera ton héritier, mais c’est celui qui sortira de tes entrailles qui sera ton héritier.
5 Et après l’avoir conduit dehors, il dit: Regarde vers le ciel, et compte les étoiles, si tu peux les compter. Et il lui dit: Telle sera ta postérité.
Abram eut confiance en l’Éternel, qui le lui imputa à justice.

Livre de la Genèse, Chapitre 15, versets 1-6

Si Adam est l’archétype de la relation de l’homme au péché, Abraham est en effet celui de la relation de l’homme à la foi, et dans ce texte-charnière nous voyons le « père des croyants » placer sa confiance en l’Eternel, alors que celui-ci se révèle à lui dans une vision : ici faire confiance à Dieu et recevoir la révélation sont une et même chose. C’est à travers cette figure commune aux trois grands monothéismes que nous voulons examiner la condition universelle de l’homme vis-à-vis de la foi.

Ludovico Carraci, Le sacrifice d’Isaac, 1586

3.1.L’Evangile et la connaissance de Dieu

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