Les formes conservatrices ou orthodoxes du protestantisme établissent une distinction radicale entre l’Ecriture biblique et la Tradition chrétienne, alors que ses formes progressistes ou libérales vont jusqu’à estomper toute différence entre elles, peut-être dans le sillage du catholicisme romain. Ces deux regards sur ces deux grandeurs fondamentales du christianisme relèvent à la fois de la prise en compte d’une dimension essentielle, et d’une forme de réductionnisme inutile, et nous invitent à articuler plutôt Ecriture et Tradition sous l’angle des relations entre culture et spiritualité.
1.Distinguer entre Ecriture et Tradition
Le protestantisme historique classique, et ce qui en subsiste dans le protestantisme évangélique actuel, traçait une frontière nette entre l’Ecriture, considérée comme inspirée, et la Tradition, considérée au mieux comme utile. Une telle distinction est une saine conséquence logique de la doctrine de l’inspiration plénière de l’Ecriture : il convenait et il convient de distinguer entre ce qui nous est donné une fois pour toutes comme procédant de la révélation de l’Esprit, de ce qui ne procède que de l’invention des hommes, fût elle frappée du sceau de la spiritualité la plus authentique ou de la théologie la plus méticuleuse.
C’est du moins une manière de voir les choses, ou un aspect des relations entre la Bible et la Tradition chrétienne. L’église catholique, dans toute la diversité de son histoire et de ses tendances, paraît au contraire n’avoir rapidement fait qu’une distinction de nuance entre Ecriture et Tradition : on lit dans les travaux du concile de Vatican II à propos de la « Parole de Dieu » une référence à la première comme espèce (c’est-à-dire cas particulier) de la seconde. Le protestantisme traditionnel semble aller dans cette direction également, à travers sa « déconstruction » de l’Ecriture comme texte inspiré.

2.Distinguer entre spiritualité et culture
Sur le plan de l’immanence, il faut en effet reconnaître que la production des textes de l’Ecriture sainte ne paraît pas être de nature différente de celle des autres textes de la Tradition chrétienne : depuis l’avènement de la critique biblique, on reconnaît plus volontiers que le même effort humain de recherche, de compilation, de composition, les mêmes différences de propos, de style, de contexte, peuvent être constatés dans tous les textes, qui ne sont en ce sens que des textes, avec leurs dimensions linguistiques, historiques et culturelles. Même la notion de « canon » existe dans de nombreuses civilisations antiques.
En d’autres termes peut-être, il ne faut pas ici confondre spiritualité et culture. Ceci n’empêche toutefois pas de préserver la distinction sanitaire entre une Ecriture inspirée et une Tradition utile : l’inspiration biblique n’est pas une négation des procédés naturels par lesquels un texte s’écrit et se transmet, mais une affirmation de la conduite providentielle de sa rédaction et de son insertion dans sa propre Tradition elle-même. Inversement, la reconnaissance et la prise en compte de tels procédés n’implique pas en soi d’adopter une forme de naturalisme qui exclut la direction transcendante de l’Esprit dans la constitution d’un canon inspiré. Ici comme ailleurs, les mouvements dialectiques qui marquent l’évolution de la théologie ont tendance à se scléroser dans de fausses antithèses.

3.Accepter la dimension culturelle du christianisme
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