Nous proposons ici une interprétation théologique classique de la nature de la connaissance du bien et du mal associée au départ d’Adam et Eve du jardin d’Eden, dans l’esprit de la théologie philosophique.

1. Plantons le décor : l’arbre de la connaissance du bien et du mal
1.1. Les deux arbres dans le jardin d’Eden
Au chapitre 2 de la Genèse, nous lisons le récit de la plantation du jardin d’Eden et de deux arbres mystérieux :
Puis l’Eternel Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé. L’Eternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
Genèse, Chapitre 2, versets 8 et 9
La connaissance en question est donc une connaissance éthique ou morale, celle du bien et du mal. Notons ici l’originalité de la conception biblique par rapport aux récits cosmogoniques (à propos de l’origine du monde et de l’homme) traditionnels des anciens peuples.
1.2. L’arbre de la connaissance du bien et du mal et la mort
Cette connaissance est ici présentée comme l’enjeu spirituel majeur de l’existence humaine. Nous voulons dire par là que manger du fruit de cet arbre est présenté comme passible du pire châtiment, la mort, comme on le lit dans le même chapitre :
L’Eternel Dieu donna cet ordre à l’homme : Tu pourras manger de tous les arbres du jardin; mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.
Genèse, Chapitre 2, versets 16 et 17
2. Qu’est-ce que cette connaissance du bien et du mal ?
2.1. La nature de la connaissance du bien et du mal
Il nous faut ici comprendre, c’est-à-dire interpréter, en quoi peut consister cette connaissance. Continuons à examiner le texte de la Genèse. Un indice nous est donné à la fin du chapitre 3, lorsqu’Adam et Eve ont désobéi, et que le châtiment « promis » est appliqué :
L’Eternel Dieu dit : Voici, l’homme est devenu comme l’un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d’avancer sa main, de prendre de l’arbre de vie, d’en manger, et de vivre éternellement.
Genèse, Chapitre 3, verset 22
Ainsi, ce dont l’homme s’est rendu coupable ici, c’est « d’être devenu comme Dieu » pour cette connaissance. Autrement dit, il ne s’agit pas nécessairement d’avoir acquis une connaissance du bien et du mal en mangeant du fruit défendu, mais de s’être hissé à la stature de Dieu en ce qui concerne cette connaissance.
2.2. Adam et Eve connaissaient le bien et le mal
En effet, dans l’Ancien testament, toute la question de la Loi donnée à l’ancien peuple d’Israël concerne cette distinction entre le bien et le mal, et la connaissance du bien et du mal procède d’une révélation de la volonté divine. Il n’y a pas de raison de penser autrement ici; le texte nous semble présenter Adam et Eve comme connaissant déjà le bien et le mal, c’est-à-dire la volonté de Dieu, révélée ici à travers l’unique commandement de Ge 2,16–17.
3. En quoi consisterait alors la transgression du commandement ?
3.1. La nature de la transgression originelle
Selon cette compréhension, à savoir qu’Adam et Eve étaient en possession de la connaissance essentielle du bien et du mal, c’est-à-dire de la volonté divine, en quoi seraient-ils alors « devenus comme l’un de nous, pour la connaissance du bien et du mal » ? Ce texte montre « l’Eternel Dieu », divinité de l’Israël ancien, comme le législateur suprême qui est dépeint dans le reste du Pentateuque (les cinq premiers livres de la Bible). Autrement dit, le rapport de Dieu à la connaissance du bien et du mal, c’est d’en être la source, puisqu’en sa volonté se trouve la norme de ce qui est bien et de ce qui est mal.
3.2. L’affirmation de l’indépendance spirituelle et morale
Ainsi, le châtiment attribué dans ce texte à Adam et Eve, aurait trait à leur affirmation de leur indépendance morale, et donc spirituelle. Ayant une connaissance du bien et du mal à travers la révélation de la volonté divine exprimée par le commandement, nous les voyons transformer leur liberté en indépendance, en désobéissant au commandement. En faisant ainsi, ils rejettent la connaissance du bien et du mal donnée par révélation, et se posent eux-mêmes comme leur propre norme spirituelle, éthique et morale, devenant ainsi « comme Dieu, pour la connaissance du bien et du mal ».
4. Manger du fruit procurait-il la connaissance du bien et du mal ?
4.1. La promesse du serpent
Nous lisons en effet au chapitre 3 :
« Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. »
Genèse, Chapitre 3, versets 4 et 5
Il ne s’agit pas ici de l’affirmation de Dieu – qui a donné le commandement – mais du serpent, qui cherche une manière tortueuse (!) de contourner celui-ci, en proposant sa propre interprétation. C’est précisément en faisant miroiter à Eve et Adam une fausse connaissance qu’il parvient à les conduire à la transgression.
4.2.L’arbre comme symbole
Ainsi, si nos premiers parents avaient la connaissance du bien et du mal dans la volonté révélée de Dieu, l’arbre dont il était défendu de manger ne possédait pas en lui-même la vertu de donner une connaissance supérieure (comment d’ailleurs manger du fruit d’un arbre pourrait-il apporter une connaissance morale ?), mais il était l’objet même par lequel cette connaissance devait être mise à l’épreuve, dans l’environnement du jardin d’Eden où Dieu avait mis l’homme. Car il fallait que l’homme et la femme, créés en l’image de Dieu, soient confrontés dans leur liberté à un choix : celui d’accepter volontairement la connaissance de Dieu selon qu’il se donnait à connaître à eux, ou au contraire de le rejeter pour proclamer leur indépendance. Et cet arbre, objet précisément du commandement de Dieu, était le symbole « incarnant » cette connaissance du Bien et du Mal.
4.3. Le fruit de la transgression
Cette lecture s’accorde bien avec le récit du châtiment déjà évoqué (Ge 3, 22), où il est permis de voir ici une forme d’ironie lorsque Dieu considère que « l’homme est devenu comme l’un de nous pour la connaissance du bien et du mal… » : c’était la promesse du serpent, mais elle ne s’est pas réalisée comme il l’entendait. D’ailleurs, lorsqu’Adam et Eve ont eu consommé le fruit et la transgression, nous lisons au chapitre 3 qu’ils ont couvert leur nudité et se sont « cachés de devant Dieu ». Le fruit de la transgression n’est pas présenté ici comme un accroissement de leur connaissance, mais plutôt comme une forme de confusion et une aliénation de leur intelligence spirituelle et morale. Et ceci confirme que la connaissance morale gisait ailleurs, et que la proposition « magique » du serpent était une invention.
5. La connaissance de Dieu et la vie éternelle
5.1. L’arbre de vie
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