La Bible et la Foi : le Sola Scriptura du Protestantisme

Quelle est la place de la Bible dans la foi chrétienne ? Le protestantisme historique l’a considérée comme révélation écrite inspirée de Dieu, et donc seule norme ultime en matière de foi, de vie chrétienne, et d’organisation de l’église.

1.Sola Scriptura

En protestantisme on appelle couramment « Ecriture » la Bible (protestante), Ancien et Nouveau Testament; « les Ecritures » désignent plutôt, dans la tradition, l’Ancien Testament en général.

D’après le témoignage biblique lui-même, la foi chrétienne entretient un rapport existentiel, consubstantiel, avec l’Ecriture. On y lit par exemple l’exhortation suivante, adressée par l’apôtre Paul à son disciple et collaborateur Timothée :

14 Toi, demeure dans les choses que tu as apprises, et reconnues certaines, sachant de qui tu les as apprises; 15 dès ton enfance, tu connais les saintes lettres, qui peuvent te rendre sage à salut par la foi en Jésus Christ. 16 Toute Écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, 17 afin que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne oeuvre.

2nde épître de Paul à Timothée, Chapitre 3, versets 14-17

Quelle doit donc être la place de la Bible chrétienne dans la foi ? Le protestantisme historique de la Réformation a considéré la Bible comme la révélation écrite inspirée de Dieu, au point où ce « retour à l’Ecriture », comme on en parle parfois, est un de ses principaux traits distinctifs. L’expression historique « Sola Scriptura », « l’Ecriture seule » en latin, est en effet un des « cinq solas« , formules latines formant les piliers des doctrines protestantes du salut; elle affirme que la Bible est l’autorité ultime – c’est-à-dire dernière – en matière de foi et de vie chrétiennes, et nous pourrions ajouter d’organisation de l’église, rompant ainsi avec une tradition catholique romaine millénaire, qui élevait le reste de la Tradition chrétienne à la hauteur de l’Ecriture sainte.

2.Evolutions de la doctrine protestante

Le protestantisme dans ses diverses formes a évolué sur la question de la nature, de la fonction et de la portée de l’Ecriture. L’orthodoxie protestante (période de la Réformation jusqu’aux Lumières) a adopté dès le commencement la conception forte et biblique précédente de l’Ecriture comme « inspirée », et partant sans erreur dans sa forme originale (on parle « d’inerrance »). Cette position a été reprise en grande majorité par le protestantisme évangélique actuel, dont elle est un des traits distinctifs. Le protestantisme libéral, transformation traditionnelle moderne du protestantisme historique, a au contraire évolué, avec l’avènement du rationalisme des Lumières et sous l’influence essentielle de Friedrich Schleiermacher, vers une « déconstruction » de l’Ecriture. Le protestantisme traditionnel actuel a en effet rejeté, avec l’avènement de la « haute critique biblique », l’inspiration plénière (c’est-à-dire entière) et verbale (jusque dans la lettre) de l’Ecriture (dans ses originaux), pour l’analyser sous l’angle de théories documentaires, dont la plus célèbre est peut-être l’hypothèse documentaire. Ces théories naturalistes aboutissent tantôt à mettre en question l’attribution traditionnelle des livres bibliques à leurs auteurs supposés, tantôt à en extraire des sections considérées comme « mythologiques », pour n’en garder que certains textes, voire certaines paroles, considérées seul(e)s comme « authentiques ». Aujourd’hui, schématiquement, seul le protestantisme dit évangélique soutient la doctrine orthodoxe de l’inspiration de l’Ecriture sainte (dans ses originaux), et même la réaction au libéralisme protestant, avec ses excès et ses outrances, d’un théologien réformé « néo-orthodoxe » comme Karl Barth, n’aboutit en régime réformé qu’à une conception de l’Ecriture comme « témoignage rendu à la révélation » » (Karl Barth, Dogmatique).

3.La doctrine de l’inspiration plénière

Notre conception de la nature, de la fonction et de la portée de l’Ecriture joue un rôle déterminant dans notre théologie et notre spiritualité.

La doctrine de l’inspiration plénière présente plusieurs avantages : elle s’appuie sur des assertions bibliques qui la fondent, elle fournit un cadre de révélation objectif en face de l’homme, et elle assure que cette révélation écrite peut être transmise fidèlement d’une génération à l’autre. Cette doctrine pose aussi plusieurs problèmes : l’existence et la reconstitution des textes bibliques originaux, la détermination externe d’un canon de textes bibliques, et l’interprétation de textes inerrants posant de multiples difficultés.
Mais l’alternative libérale moderne, si elle présente aussi certains avantages (conformité avec le rationalisme moderne, résolution des difficultés par « démythologisation », liberté d’interprétation), repose sur des présupposés naturalistes qui sapent le fondement même de la foi et la possibilité d’une révélation objective et objectivable qui puisse servir de témoignage constant face à l’homme qui l’interprète. L’interprétation biblique elle-même, activité présentant une dimension subjective irréductible, s’y trouve confrontée au problème d’identifier la révélation au sein de l’Ecriture, qui se trouve par là-même soumise au jugement de l’homme.

Conclusion

Ainsi, la doctrine de l’inspiration plénière de l’Ecriture sainte, fleuron du protestantisme historique et fondement de la libre interprétation de la Bible, apparaît comme le fondement le plus parfait d’un christianisme réformé ancré dans une révélation objective, acquise une fois pour toutes. Il s’agit toutefois d’en proposer une version rationnelle, plutôt que. rationaliste, qui prenne en compte les dimensions immanente et transcendante de l’Ecriture, et s’articule à une théorie saine de son canon et de son interprétation.

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