Les fondements bibliques du mariage

Le mariage biblique repose sur une conception fondée sur la création même de l’homme et de la femme. Tirés d’un même individu primordial avant d’être différenciés dans leur animalité, leur réunion rétablit cette unité dans la rencontre de deux vies en une seule. Ce principe fonde un mariage fécond, tant spirituellement que corporellement, et inscrit cette union dans l’accomplissement du dessein de Dieu pour le monde.

1.Les principes originels du mariage biblique

1.1.La création de l’homme « mâle et femelle »

Lorsque nous voulons remonter à l’origine des choses, en chrétiens fidèles à l’Ecriture nous interrogeons d’abord le livre de la Genèse. Ainsi, les fondements bibliques du mariage s’y trouvent implicitement posés à travers la création même de l’homme et de la femme, et en premier lieu dans l’intentionnalité divine première ayant présidé à cette création :

27 Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. 28 Dieu les bénit, et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre.

Genèse 1,26-27

Si « l’homme », au singulier et dans un sens générique, est créé à l’image de Dieu (voir L’homme, une créature en l’image de Dieu), c’est « l’homme et la femme » qui sont créés, littéralement « mâle et femelle ». Il faut donc comprendre que l’homme et la femme ensemble sont la création de l’homme en l’image de Dieu, dont nous avons déjà souligné la multiplicité intrinsèque, qui se manifeste dans la révélation de la Trinité (voir Le Dieu Trinitaire).

1.2.La création de la femme à partir de l’homme

Lorsque le récit complémentaire de la création de l’être humain est livré sous une forme chronologique, nous constatons que l’homme (masculin) est créé le premier par Dieu à partir des éléments de la terre, et que la femme (féminin) est créée par Dieu à partir du premier individu :

7 L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant. […]
21 Alors l’Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme, qui s’endormit; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place. 22 L’Éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena vers l’homme. 23 Et l’homme dit: Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair! On l’appellera femme, parce qu’elle a été prise de l’homme.

Genèse 2,7;21-23

Ainsi, le premier homme et la première femme, qui réalisent en principe la création de l’homme « mâle et femelle », ne sont pas créés séparément, mais ils sont tirés d’un même homme primordial, qui est à la fois le mâle et celui dont ils sont tous les deux issus. Cette origine physique commune d’Adam et Eve nous sert de paradigme pour la conception biblique du mariage.

Adam et Ève, créés mâle et femelle à l’image de Dieu, unis dans le jardin d’Éden selon la Genèse

1.3.La différentiation de l’homme et de la femme

La suite du texte de la Genèse nous montre bien que l’homme et la femme, Adam et Eve, sont deux êtres humains distincts, ayant chacun leur propre personnalité, leur propre volonté, et leur propre corps. C’est la raison d’être même de la création de la femme, que d’avoir donné à Adam un semblable qui soit aussi un autre, essentiellement une femelle comme pour les autres animaux, car elle repose sur la constatation suivante :

18 L’Éternel Dieu dit: Il n’est pas bon que l’homme soit seul; je lui ferai une aide semblable à lui. 19 L’Éternel Dieu avait formé de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l’homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l’homme. 20 Et l’homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs; mais, pour l’homme, il ne trouva point d’aide semblable à lui.

Genèse, Chapitre 2, versets 18-20

Ainsi, la « division » féconde de l’homme en mâle et femelle reflète à la fois la multiplicité intrinsèque qu’on trouve en Dieu lui-même, et l’animalité de l’homme, à travers laquelle il lui est commandé de se multiplier et de remplir la terre afin de l’assujettir (Genèse 1,26-27).

1.4.La réunion des deux vies en une seule

Toutefois, dans cette différentiation des personnes et des rôles dans la première « mission » confiée à l’humanité, c’est dans l’union de deux vies en une seule que Dieu rassemble l’homme et la femme, qu’il a créés :

24 C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. 25 L’homme et sa femme étaient tous deux nus, et ils n’en avaient point honte.

Genèse 2, 24-25

La « chair » n’a pas ici de sens péjoratif, mais désigne la vie de chacun, dans son animalité et sa fragilité naturelle : tandis que la femme a été distinguée de l’homme, elle lui est toutefois identifiée dans l’humanité en ce qu’elle a été tirée de lui. Elle est donc littéralement un « autre lui-même », et cette unité dont ils sont issus est appelée à se reformer par la réunion, volontaire, de leurs deux vies en une seule. Cette union originelle, qui sert de modèle, est le fondement même de la conception biblique du mariage, et s’exprime sur le plan corporel par l’union des corps, qui possède en principe sa propre fécondité, utile à la vocation culturelle confiée par Dieu à l’humanité.

La différentiation et l’union sexuelle du mariage ont ainsi dans l’Ecriture une dimension autant animale et culturelle, que spirituelle.

2.La finalité du mariage biblique

2.1.Retrouver un complément sur la terre

Si l’homme et la femme sont créés en l’image de Dieu, ils reflètent tous deux quelque chose de la divinité, dans leur humanité commune et dans leur spécificité sexuelle. Aucun des deux ne concentre donc cette image à titre exclusif, ou principal, et ils forment donc chacun pour l’autre, en principe, un complément inaliénable. Cela ne signifie pas que les individus humains soient en eux-mêmes incomplets, ni qu’une vie dans le célibat soit incomplète, mais qu’une humanité exclusivement masculine ou exclusivement féminine le serait. En effet, si la femme a été tirée de l’homme, en revanche l’homme naît par la femme, comme l’apôtre le souligne à propos des questions d’autorité dans l’Eglise :

8 En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l’homme; 9 et l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais la femme a été créée à cause de l’homme. […] 11 Toutefois, dans le Seigneur, la femme n’est point sans l’homme, ni l’homme sans la femme. 12 Car, de même que la femme a été tirée de l’homme, de même l’homme existe par la femme, et tout vient de Dieu.

1re épître aux Corinthiens, Chapitre 11, versets 8-12

L’homme et la femme, créés par Dieu pour le mariage, avancent ensemble vers l’avenir qu’Il ouvre devant eux

2.2.L’épouse comme secours de l’homme

Sur le plan du mariage, c’est-à-dire donc de l’union de deux vies en une seule chair, Moïse, l’auteur présumé du livre de la Genèse, considère la création de la femme comme celle d’une « aide » ou d’un « secours » semblable à l’homme (Genèse 2,18). La même expression, « aide » ou « secours », est employée ailleurs à propos de Dieu vis-à-vis de l’Israël ancien au Psaume 46 (v2), et ne réduit donc pas la femme à un subalterne.

Mais cette création de la femme sert de paradigme pour la condition humaine : « l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair » (Genèse 2,24). Il ne s’agit pas d’un commandement, mais d’un principe universel : l’être humain grandit dans la dépendance auprès de ses parents, qu’il doit quitter un jour pour mener sa propre vie. Il aspire alors, par sa nature même, à reformer une unité féconde avec un autre être humain, un complément du sexe opposé. Cet instinct sexuel puissant reflète l’unité primordiale d’Adam, de laquelle l’homme et la femme originels ont été tirés, et à laquelle ils sont revenus dans leur animalité afin de peupler la terre. Cette terre est la matrice même de leur existence, que Dieu leur a donnée en héritage comme leur environnement et comme le monde où ils doivent régner de manière bienveillante et pacifique.

2.3.La conception biblique du mariage

La conception biblique du mariage est donc fondée sur la création de l’homme et de la femme en l’image de Dieu, Eve ayant été tirée d’Adam pour être la mère de tous les vivants. La finalité biblique du mariage consiste alors en l’alliance, l’union de deux êtres humains, portant chacun distinctement l’image de Dieu en deux sexes différents, afin de mener conjointement une vie créative et féconde sur la terre. Ainsi, puisque le principe mosaïque a trait à l’union de l’homme et de la femme en une seule chair comme une fin en soi, la procréation n’apparaît pas comme la finalité ultime du mariage, mais plutôt comme une conséquence de l’union des corps, comme le fruit d’une relation sexuelle féconde qui est l’expression corporelle de l’union de deux vies. Cette union comme fin en soi est d’ailleurs elle-même interprétée par l’apôtre Paul comme préfigurant l’union du Christ et de l’Eglise :

29 Jamais personne n’a haï sa propre chair; mais il la nourrit et en prend soin, comme le Christ le fait pour l’Eglise, 30 parce que nous sommes membres de son corps. 31 C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. 32 Ce mystère est grand; je dis cela par rapport au Christ et à l’Eglise.

Epître aux Ephésiens, Chapitre 5, versets 29 à 32

Nous constatons toutefois que le principe du mariage sert, à travers les puissants instincts sexuels de l’homme et de la femme qu’il est impossible d’ignorer, le dessein de Dieu dans la création de l’homme « mâle et femelle ». Ce dessein s’exprime dans la bénédiction prophétique de se « multiplier et remplir la terre, afin de dominer sur elle » (Ge 1,28), à l’image de Dieu qui règne sur le cosmos et a commis la terre à l’humanité. La finalité du mariage biblique est donc à la fois relationnelle, spirituelle et culturelle : il vise à combler la solitude de l’homme ou de la femme qui ressent, dans sa chair, le besoin d’un autre lui-même, à accomplir le dessein de Dieu pour l’humanité sur la terre, et à asseoir la présence de l’homme dans le monde par sa capacité à le transformer.

Conclusion

Le mariage, tel qu’il est présenté dans l’Écriture, n’est pas un simple arrangement humain dicté par des considérations sociales ou culturelles, mais il s’enracine dans l’ordre même de la création. Il révèle une structure fondamentale de l’humanité, où l’homme et la femme, tout en étant distincts, sont appelés à s’unir pour refléter l’image de Dieu dans leur complémentarité. Cette union, voulue dès l’origine, prépare ainsi la compréhension ultime du mariage chrétien, qui repose sur l’engagement mutuel dans la foi et sur l’intégration de cette relation à la dimension de l’Église.

La distinction entre l’homme et la femme, inscrite dans une unité qui la dépasse, reflète en filigrane le mystère de l’unité et de la diversité en Dieu. Tout comme la divinité est une et pourtant distinguée en trois personnes, le mariage manifeste une unité qui ne se dissout pas dans une indistinction totale, mais s’accomplit dans une relation vivante et dynamique. L’homme et la femme, devenus une seule chair, conservent leur identité propre dans une réalité nouvelle. Par cette analogie, le mariage humain prépare à la compréhension du lien éternel entre le Christ et son Église, qui trouvera son achèvement dans l’accomplissement du dessein de Dieu.

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